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   "Plus j'y réfléchis plus je sens qu'il n'y a rien de plus réellement artistique que d'aimer les gens." Vincent Van Gogh    

On était dimanche et Suzanne détestait les dimanches

 

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D'ailleurs c'est écrit sur son T-shirt. Ses parents devront faire avec. Et ses deux grandes sœurs aussi ! Non mais !!!

 

Du haut de leurs quatorze ans les grands yeux bleus de Suzanne savent tout voir : les dimanches particulièrement ont tout intérêt à faire gaffe !

Et même : justement celui-ci. Aussi, pour l'occasion, Suzanne à décidé de plisser les yeux avec un large sourire, le même que celui de grand-tante Jeanne dans son jardin au soleil quand elle regarde Suzanne perchée sur une branche en train de goûter les abricots tout juteux la bouche toute barbouillée orange et rose.

 

Peut-être que l'éternel déjeuner dominical serait cette fois-ci pour Suzanne l'occasion idéale de... .. . Ho non. Finalement non.

 

Pour l'instant il n'est que huit heures du matin ce dimanche et Suzanne déjà réveillée écrit une lettre à grand-tante Jeanne pour lui dire tout un tas de trucs. Une vraie lettre, pas un de ces sms avec des émojis. Une lettre avec même un beau timbre sur l'enveloppe bleu-ciel. C'est la moindre des choses tout d'même.

 

La petite chambre de Suzanne ressemble à un nid d'oiseau mal fréquenté ! C'est elle, en tant que petite dernière, qui a hérité de cette pièce minuscule situé au 2ème étage à côté du grenier que Suzanne a aussitôt annexé comme étant SON Salon de Réception pour y recevoir ses amies Vance, Berte et Mergot.

 

Et Baptiste ? Ho lui ! Bof ! Quand il vient et qu'il est en plus il doit obligatoirement  s'assoir sur un vieux coussin car il n'y a que 4 chaises autour d'une table basse  ronde que Mergot avait dénichée dans une brocante et offerte à Suzanne pour inaugurer comme il se doit son salon.

 

Mais revenons dans la chambre où Suzanne est en train de coller sur l’enveloppe un timbre commémorant le Pavillon français de l’ Expo Osaka.

 

Par sa fenêtre grande ouverte Suzanne se penche vers la gauche et aperçoit en ce beau dimanche noyé de ciel bleu comme dans un Livre d’ Heure du Moyen-Âge le Fort National tout ensoleillé et entouré d’eau par la grande marée et au loin le clocher de la Cathédrale St Vincent.


"Maman !!! Ma---man !!!! Suzanne a encore emporté tous les Hallongrotta dans son maudit grenier ! Elle va m’entendre celle-là !!!!"

 

"Enfin ! Dimanche commence !!!" se dit Suzanne ravie en entre-baillant la porte de sa chambre puis en sautillant sur la pointe des pieds la voilà dans le grenier où se trouvent bien évidemment  les 3 paquets d’ Hallongrotta dont 2 tout amochés sont vides et Suzanne en riant constate sans surprise que dans le fond du 3ème moribond ne restent plus que 4 biscuits !

 

Le temps d'enfiler un jean sous son T-shirt trop grand et Suzanne descend dans la cuisine avec à la main le dernier paquet d' Halongrotta où il n'en reste déjà plus que 3.
En bas de l'escalier sa maman l'attend, la voit et tout sourire lui barre la route :
"Tu aurais pu au moins prévenir tes sœurs ! Tu les connais pourtant ! Ton père t'a sauvé la mise en avouant que c'était lui ! Mais ni France ni Claire ne l'ont cru une seconde ! Et puis il y a Baptiste qui t'attendait dehors : je l'ai fait entrer.

Ai je eu tort ???"
"Mais enfin maman... ...Baptiste peut très bien m'attendre dehors il n'a qu'ça à faire !!! Au fait : Papa est dans la cuisine ?"

"Mais non. Tu sais bien que le dimanche il va conduire France et Claire qui jouent à la Cathédrale à 10h30."

"Ha oui c'est vrai... .. ."

En entrant dans la cuisine Suzanne voit Baptiste et avant même de lui dire bonjour : "Dis donc ! Tu pouvais pas m'attendre dehors ?!? Évidemment non !!! Et en plus tu bois mon jus d'orange ! Et c'est quoi cette tenue ?!?!?!! Ho la la la pfffff...."

Baptiste qui était adossé au frigo tourne le dos à Suzanne et tout en observant un petit portrait de famille il dit d'une voix rieuse : "T'étais toute  mignonne à c't'âge là avec tes couettes qui font presqu'oublier ton air renfrogné sur la photo. T'aurais dû les garder !!!"

 

Un silence s'installe soudain et surprend Baptiste qui déjà regrette ses paroles lorsqu'il voit le visage baissé   de Suzanne. "Excuse moi... j'ai oublié que tu détestes les dimanches... Je n'aurais pas dû venir..."

 

"Non ne t'en va pas" chuchote Suzanne en levant les yeux vers Baptiste qui, heureux de la voir esquisser un sourire, s'aventure davantage et : "Mais au fait oui Suzanne ! Pourquoi m'as tu demandé hier de venir ? Et un dimanche en plus !!!"

Suzanne change alors de registre, tourbillonne sur elle-même comme une toupie et en riant : "Mais pour  aller nous baigner ! Baptiste !  Nous baigner !!! et puis tu m'offriras... ... ..."

"Quoi ???" dit Baptiste avec une inquiétude amusée.

"J'chais pas encore !... ... ... TOUT !!!!"

 

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En longeant la Chaussée du Sillon Suzanne et Baptiste regardent les assauts incessants vindicatifs et quasi joyeux des grandes vagues bleues  ourlées d’écume scintillante qui ne laissent voir de la plage qu’une étroite bande de sable épargnée par la marée montante.

 

"Il ne restera bientôt plus de plage : Tu es sûre de vouloir te baigner maintenant ???" dit Baptiste d’une voix souriante volontairement adoucie. "On pourrait plutôt y aller en fin d’après-midi et l’eau sera réchauffée par le beau soleil de cette journée, Pourquoi ne pas aller écouter tes sœurs qui jouent à la Cathédrale ? Et on irait à Bergamote : c'est moi qui offre !."


"T’es fou toi !!! » répondit Suzanne en pouffant de rire "Je les entends assez chaque jour pour ne pas en plus aller les écouter dans une Cathédrale !!!"

 

Soudain Suzanne s'immobilise et va se cacher derrière Baptiste en se baissant :

"Chutttt !!!! Ne bouge plus et tais-toi !!!!"

 

"Coucooooou ! Verna !!!!"

"Ho ça alors !!!! Suzanne !!!!"

"Bah ?!?!?!! Kèss tu fais ici Verna ?!?!!!"

"Maman et moi on est à Dinard pour une semaine et nous allons à Jersey cet après-midi ou demain. Là je vais retrouver maman qui est chez une amie.

Et toi Suzanne ! Que deviens tu ?!?!!"

"J'grandis !"

"Ho ! N't'inquiète pas !!! Moi aussi !!!"

 

Baptiste regarde fixement Verna et :

"C'est bien vous n'est-ce pas que j'ai vue l'année dernière le 6 Juin dans les Gorges du Verdon ???. Vous portiez une robe jaune avec des poissons bleus.

Oui c'est bien vous ! Non ???"

 

"Verna ! Ne fais surtout pas attention à Baptiste !!! C'est son truc dès qu'il voit une jolie fille !!!!" dit Suzanne.

Impassible, Verna, tout en regardant Baptiste, répond à Suzanne :

"Ton ami a presque raison : Maman a une robe bleue avec des poissons jaunes !"

 

"Donc ce n’était pas vous ?!? Cela m’apprendra à ne jamais trop croire ce que j’vois !" dit Baptiste amusé en scrutant de bas en haut Verna qui, indifférente et du tac au tac lui rétorque en détachant chaque mot :

"Moi c’est tout l’contraire : je vois tout d’suite clairement les gens. Comme quoi !... "

 

Puis se tournant toute joyeuse vers Suzanne : "Tu as toujours mon numéro ? Appelle moi quand tu veux : on s'ra plus tranquille !"

 

"Elle est plutôt rigolote cette Verna !" dit Baptiste en la voyant s'éloigner vers la digue.

... / ...

Texte extrait de mon roman "L' Avenir de Simon"

photo : L' Air de Paris © 2O25